Notes pour une allocution du premier ministre du Québec,
M. Lucien Bouchard, à l’Americas Society
« Bâtir des partenariats dans les Amériques »


  New york, le 15 avril 1999 - Chers invités,
Chers amis,

J’aimerais d’abord remercier l’Americas Society, qui m’offre l’occasion de m’adresser à ce prestigieux auditoire.

Je suis très heureux de me retrouver à New York. Lors de ma dernière visite, il y a trois ans, je venais tout juste d’accéder au poste de premier ministre du Québec. J’annonçais alors l’objectif de mon gouvernement de redresser les finances publiques et l’économie du Québec. Quand j’ai expliqué que nous prévoyions éliminer le déficit record du Québec en quatre ans tout au plus, j’ai fait face à une forte bonne dose de scepticisme.

Aujourd’hui, je suis fier d’annoncer que nous avons atteint notre objectif, un an avant l’échéance. Nous avons donc un budget équilibré pour une deuxième année consécutive. Puisqu’il est reconnu que nos coûts de production et nos incitatifs fiscaux sont compétitifs — surtout en ce qui concerne l’investissement, la recherche-développement et le secteur financier —, nous désirons maintenant, dès que possible, réduire l’impôt sur le revenu des particuliers. Imaginez, si vous habitiez le Québec en ce 15 avril, vous disposeriez encore de quinze jours avant de devoir fournir votre déclaration de revenus, car notre date de tombée est le 30.

 

  Nous avons jumelé notre détermination d’assainir les finances publiques à de vigoureux efforts de croissance économique. Au terme de quatre ans de travail, nous avons maintenant un taux de croissance égal à celui de l’ensemble du Canada. Selon les analystes du secteur privé, cette année et l’an prochain, notre croissance économique se mesurera à celle du Canada.

La croissance de l’investissement privé au Québec n’a pas fait que rattraper la moyenne canadienne. L’an dernier, elle fut quatre fois plus élevée que dans le reste du Canada. Les prévisions pour cette année portent à croire que cet écart va se maintenir.

La croissance a été particulièrement forte dans les villes de Montréal et de Québec, ce qui a eu pour effet de réduire le chômage et de faire de ces villes d’importants centres de technologie de pointe.

 

  Selon la firme Price Waterhouse, Montréal se classe au quinzième rang des grandes villes d’Amérique du Nord pour ce qui est de la population. Elle est toutefois neuvième pour le nombre d’entreprises de pointe, septième pour le nombre d’emplois en technologie de l’information, sixième dans les secteurs pharmaceutique et biotechnologique, cinquième dans le domaine aérospatial et première pour ce qui est de la proportion de la population qui travaille en haute technologie.

En résumé, je suis heureux d’être à New York aujourd’hui pour vous dire que le Québec est de retour. Aujourd’hui et pour le siècle à venir, le Québec est une force avec laquelle il faut compter, à New York, sur le continent et dans les Amériques. Laissez-moi vous dire pourquoi.

Le défi continental du Québec des années 1990

Le succès actuel du Québec résulte d’une décision collective qui date d’à peine dix ans. Le défi avait un nom : le libre-échange avec les États-Unis. La question a suscité la controverse au Canada anglais. Au Québec, notre différence linguistique, la force réelle de notre identité nous a rendus moins craintifs à l’idée d’abaisser les frontières économiques. Toujours déterminés à protéger et promouvoir notre langue et notre culture, nous avons pris la décision d’être des acteurs dynamiques sur le continent et de jouer la carte nord-américaine.

 

  Un consensus s’est donc développé au Québec, d’abord dans les cercles d’affaires et au sein du parti indépendantiste. Puis, il a gagné le parti fédéraliste qui était alors au pouvoir. En 1988, quand le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, a déclenché une élection sur cette question du libre-échange, je me trouvais à ses côtés, dans son gouvernement. Une majorité de Canadiens anglophones ont voté contre l’idée et le parti de Mulroney, mais une majorité dendu au Mexique et est devenu ce que nous appelons l’ALENA, le Québec a encore joué un rôle décisif dans l’adhésion du Canada.

Cet apport n’est pas passé inaperçu. À sa dernière visite à Montréal, M. William Daley, secrétaire au Commerce des États-Unis, a déclaré, et je le cite : « L’ALENA n’aurait jamais été complété sans les efforts indéfectibles et le soutien éclatant de la population et du gouvernement du Québec. » Fin de la citation.

 

  Dix années ont passé. Les résultats sont là et ils ont tout changé. Permettez-moi de commenter ce tableau des exportations québécoises depuis 1990.

Voici la croissance de nos exportations dans le monde entier pendant cette période, y compris les exportations vers nos voisins canadiens.

Voici la croissance de nos exportations vers le reste du Canada.

Maintenant, remarquez la croissance de nos exportations vers les États-Unis : 155 % en huit ans. Les États-Unis sont maintenant, et de loin, le principal partenaire économique du Québec. C’est une tendance significative.

Mais, vous vous demandez sûrement : « Tant mieux pour le Québec, mais, nous, qu’est-ce qu’on y gagne? » À cela, je réponds : « Des emplois. » Même si la balance commerciale est favorable au Québec, les exportations des États-Unis vers le Québec ont aussi bondi, tout comme l’investissement du Québec aux États-Unis.

Au moins 250 000 emplois aux États-Unis dépendent de ventes sur le marché québécois. En outre, les entreprises québécoises installées sur votre territoire emploient maintenant directement 60 000 citoyens américains.

 

  Le commerce bilatéral avec le seul État de New York a doublé en dix ans pour dépasser les dix milliards de dollars, l’an dernier. Plus de 21 000 emplois dans l’État de New York dépendent de ventes faites au Québec. Et les entreprises québécoises installées dans votre État font maintenant travailler directement 14 000 personnes.

New York est notre plus important partenaire aux États-Unis. Votre État est devenu un pôle d’attraction naturel pour les gens d’affaires, les scientifiques, les artistes et les décideurs québécois. Certains m’accompagnent aujourd’hui. Je les prierais d’ailleurs de se lever. Parmi ces gens, il y a des dirigeants de moyennes et de grandes entreprises tout autant que de nombreux chercheurs et fabricants des secteurs médical et pharmaceutique, et des représentants de la mode québécoise, un secteur fort bien coté. Je les remercie toutes et tous d’être ici et de témoigner du dynamisme croissant de notre relation avec votre grande ville et votre bel État.

Comment tout cela se traduit-il dans la vie quotidienne des New-Yorkais? Notre ami new-yorkais qui se lève le matin et ouvre sa garde-robe y trouve un costume sur cinq fait au Québec, probablement par Peerless, et d’autres vêtements distribués ici par une centaine d’entreprises québécoises. Son journal, The Daily News ou The Wall Street Journal, est imprimé sur du papier fabriqué au Québec. Dans le métro, il a une chance sur trois de faire son trajet dans un wagon construit par Bombardier, une entreprise québécoise qui participe aussi à la construction des trains à grande vitesse d’Amtrak qui vont relier New York à Boston et à Washington en 2005. Si notre ami prend l’autobus, il a une bonne chance de monter à bord d’un véhicule construit par Novabus, également une entreprise québécoise.

  Quand il s’assoit devant son ordinateur, au bureau, il utilise sans le savoir du matériel de télécommunication et d’informatique qui représente notre principale exportation, puisque nous en vendons pour un milliard et demi de dollars chaque année dans le seul État de New York. Sa connexion au cyberespace emprunte probablement l’équipement de commutation et de transmission Internet de notre compagnie Nortel, qui domine le marché mondial. À la fin de la journée, si notre ami aime le cinéma, il pourrait par contre ne pas savoir que bon nombre des effets spéciaux qu’il apprécie dans des dizaines de films comme Titanic ou Matrix, ou dans le premier épisode à venir de La Guerre des étoiles, sont possibles grâce à un logiciel conçu par Discreet Logic, une firme installée dans la Cité du multimédiade Montréal. Je dois avouer que nos concepteurs sont responsables également de la destruction partielle de la ville de New York dans le film Armageddon. La chute spectaculaire de l’édifice Chrysler les a rendus particulièrement tristes. Et enfin, si notre ami new-yorkais est amateur de hockey, il sait que son équipe a plus de chances de remporter la coupe si des Québécois comme Jean Ratelle, Rod Gilbert, Mike Bossy, Martin Brodeur ou Jacques Lemaire sont de son côté.

Vous voyez : en un sens, il y a un ingrédient québécois dans le succès de New York, et un ingrédient new-yorkais dans le succès du Québec.

Je vais en plus vous confier un petit secret bien gardé. Québec est actuellement le 6e partenaire commercial des États-Unis — derrière le Canada, le Mexique et le Japon, qui se classent aux trois premiers rangs — et il est plus important que des pays comme le Royaume-Uni, la France, l’Italie ou le Brésil.

Ce rapprochement avec les États-Unis ne se limite pas à l’économie et au commerce. La culture québécoise, par exemple, n’est plus un événement exotique, ici à New York ou dans d’autres grandes villes américaines. Outre les succès de Céline Dion, les pièces de Robert Lepage et les concerts de l’Orchestre symphonique de Montréal, chaque année, environ 200 événements culturels québécois de toutes sortes se déroulent aux États-Unis, et ce n’est qu’un début. Vous savez quoi? Selon la revue Variety, « O », le tout nouveau spectacle du Cirque du Soleil présenté à Las Vegas, «rapporte d’une semaine à l’autre plus de recettes brutes que tout autre spectacle dans l’histoire du showbiz ». Nous devons faire quelque chose de bien.

 

L’avantage québécois : l’identité et l’économie

Tout cela m’amène à un autre élément essentiel de notre dynamisme renouvelé, qui illustre aussi une importante facette de la mondialisation. Nous découvrons en effet que notre différence, notre langue et notre identité sont devenues des atouts économiques.

Comme vous le savez, le Québec est le seul territoire des Amériques où le français est la langue officielle et commune. Nous sommes sept millions, voisins de la plus grande puissance culturelle et économique que le monde ait connue. Nous ne comptons que pour 2 % d’un continent anglophone. Aucune autre nation industrialisée ne se trouve dans une situation aussi précaire que nous sur le plan culturel. Nous assumons pleinement notre décision de célébrer notre différence et d’affirmer le droit des citoyens francophones de travailler et de se faire servir en français ou de vivre dans un environnement commercial qui reflète leur culture. Comme toute autre société, nous veillons à ce que la plupart des nouveaux arrivants s’intègrent à la population majoritaire en leur offrant une éducation en français, tout en respectant largement notre minorité anglophone, les investisseurs étrangers et les travailleurs stratégiques. Résultat : grâce à de pareilles mesures, le Québec est le seul endroit du Canada où la proportion de francophones n’est pas en régression.

Au contraire, la production linguistique et culturelle du Québec n’a jamais été en aussi bonne santé, enrichie qu’elle est par une nouvelle génération de Québécois et de Québécoises nés à l’étranger et scolarisés en français.

 

Mais nous pensons que nous devons faire plus, beaucoup plus, pour mieux faire connaître la nouvelle réalité québécoise aux États-Unis en général et ici, à New York, en particulier. C’est pourquoi, hier, à Albany, en compagnie du gouverneur Pataki, j’ai annoncé que nous allions organiser, en 2001 à New York, ce que nous appelons une « saison du Québec ». Cela signifie que, pour une saison, nos artistes, nos danseurs, nos chanteurs, nos designers, nos entrepreneurs, nos scientifiques, notre cirque, vont converger vers cet État et cette ville — le public le plus sévère au monde — pour attirer l’attention et dire : « regardez qui nous sommes, vous pourriez être surpris ». Pourquoi avons-nous choisi New York comme premier lieu des Amériques pour un tel événement? Simplement parce que « if you can make it here »..., vous connaissez la suite.

 

L’avantage québécois : l’identité et l’économie

Tout cela m’amène à un autre élément essentiel de notre dynamisme renouvelé, qui illustre aussi une importante facette de la mondialisation. Nous découvrons en effet que notre différence, notre langue et notre identité sont devenues des atouts économiques.

Comme vous le savez, le Québec est le seul territoire des Amériques où le français est la langue officielle et commune. Nous sommes sept millions, voisins de la plus grande puissance culturelle et économique que le monde ait connue. Nous ne comptons que pour 2 % d’un continent anglophone. Aucune autre nation industrialisée ne se trouve dans une situation aussi précaire que nous sur le plan culturel. Nous assumons pleinement notre décision de célébrer notre différence et d’affirmer le droit des citoyens francophones de travailler et de se faire servir en français ou de vivre dans un environnement commercial qui reflète leur culture. Comme toute autre société, nous veillons à ce que la plupart des nouveaux arrivants s’intègrent à la population majoritaire en leur offrant une éducation en français, tout en respectant largement notre minorité anglophone, les investisseurs étrangers et les travailleurs stratégiques. Résultat : grâce à de pareilles mesures, le Québec est le seul endroit du Canada où la proportion de francophones n’est pas en régression.

  Au contraire, la production linguistique et culturelle du Québec n’a jamais été en aussi bonne santé, enrichie qu’elle est par une nouvelle génération de Québécois et de Québécoises nés à l’étranger et scolarisés en français.

Et comment tout cela profite-t-il à notre économie? Voyez ces chiffres : les dépenses en recherche-développement augmentent 50 % plus vite au Québec que dans le reste du Canada. Pourquoi? Les facteurs économiques n’expliquent pas tout.

L’économie nouvelle est fondée sur la connaissance, l’innovation, l’imagination et l’originalité. La clé du succès est l’accessibilité à tout un éventail de connaissances et la capacité d’intégrer ces connaissances à de nouveaux produits.

Notre interaction avec la principale source mondiale d’innovation, les États-Unis d’Amérique, est bien connue. Six cents entreprises américaines sont installées sur notre territoire et 320 entreprises québécoises sur le vôtre. Et nous n’avons pas besoin de sous-titres : la moitié de notre population active et 60 % de la main-d’œuvre de Montréal sont individuellement bilingues, tandis que 80 % des ingénieurs et gestionnaires de la métropole parlent couramment anglais et français.

  Notre avantage vient de ce que nous avons tiré parti de notre identité francophone pour accéder à la seconde source d’innovation en importance, l’Europe. Là encore, sans sous-titres!

Les universités du Québec et d’Europe collaborent à plus de 400 projets de recherche. Plus de 100 000 personnes ont tiré parti de programmes d’échanges professionnels avec la France au cours des ans. Plus de 600 entreprises européennes ont maintenant pignon sur rue au Québec, et beaucoup d’entre elles se servent du Québec comme point d’entrée sur le continent nord-américain.

Quand nos chercheurs publient conjointement les résultats de travaux de recherche, 35 % le font avec des scientifiques américains et 40 % avec des collègues européens. Cela a permis d’instaurer une véritable interface scientifique entre les États-Unis, l’Europe et le Québec.

Nos concepteurs de logiciels et nos dessinateurs de mode sont aussi très en vogue. On dit que c’est parce qu’ils allient la fibre rationnelle, pratique et productive des concepteurs américains à l’éclectisme des créateurs européens, en y ajoutant une touche d’originalité québécoise.

  Dans nos grappes industrielles de technologie aéronautique, de biochimie et de multimédia, les entreprises américaines, européennes et québécoises collaborent, échangent des idées, lancent des co-entreprises et forment un bassin de main-d’œuvre superbement branché sur ce qui est et ce qui sera.

L’avion Global Express de Bombardier est le fruit de technologies britanniques, allemandes, françaises, japonaises, canadiennes et québécoises que l’expertise de l’entreprise a fondues en un produit harmonieux.

Les populations, les idées et les entreprises américaines et européennes se rejoignent au Québec comme elles le font rarement ailleurs. Baignant dans un milieu technique, scientifique et culturel constamment alimenté par les deux mondes, les cadres, les chercheurs et les travailleurs spécialisés du Québec jouissent d’un avantage certain en matière de recherche-développement, de conception, de production et de commercialisation. Ce creuset créatif peut aider à expliquer pourquoi un peuple de sept millions de personnes figure maintenant parmi les dix premières nations du monde au chapitre des technologies de l’information, de l’aéronautique, du domaine pharmaceutique et de l’ingénierie.

Préserver notre différence et notre identité au cœur de l’Amérique du Nord a toujours relevé d’une nécessité culturelle. Au terme de cette décennie, qui a été, pour nous, une véritable décennie nord-américaine, nous constatons maintenant qu’il s’agissait aussi d’un bon investissement économique.

C’est ce que nous gardons à l’esprit alors que nous nous tournons vers les défis à venir.

  La prochaine décennie : celle des Amériques

Pour la décennie à venir, nous nous tournons vers l’ensemble des Amériques. D’emblée, mon gouvernement a soutenu une zone de libre-échange qui englobe toutes les Amériques. Le Québec se classe d’ailleurs au sixième rang des 35 économies de cette zone.

Nous pensons pouvoir apporter une contribution constructive à ce débat, étant donné notre expérience unique d’une intégration progressive qui ne sacrifie en rien notre identité. Et nous pensons à cet égard que l’intégration des Amériques ne réussira que si le débat déborde le seul cadre économique. L’impact économique positif du libre-échange sur les nations signataires ne fait plus de doute. Mais aux États-Unis comme ailleurs, on s’interroge de plus en plus sur l’incidence sociale et culturelle de la mondialisation. Et sur la capacité des nations de préserver un caractère distinctif qui leur tient à cœur tout en éliminant les barrières économiques. Les nations veulent vendre leurs biens, mais garder leur âme. C’est précisément là qu’a achoppé l’Accord multilatéral sur l’investissement.

  Donc, pour bénéficier des promesses de la mondialisation, nous devons définir un espace où chaque nation saura que sa diversité sociale et culturelle est préservée, tout comme sa capacité de prendre des décisions adaptées à sa propre réalité, à ses traditions et à ses espoirs. Un nombre croissant de nations, dont le Québec, disent oui à l’économie de marché, mais non à la société de marché.

L’intégration des Amériques nous donne la chance de relever ce défi dans un cadre propice. Nous sommes en face de 800 millions de personnes parlant quatre langues, unies par l’histoire et certains traits communs et un désir partagé d’envisager des solutions convergentes. Si nous y parvenons, nous établirons un précédent qui servira d’exemple sur la scène mondiale.

  Dans l’ALENA, en insistant sur la signature d’ententes de main-d’œuvre et d’environnement parallèles, l’Administration Clinton a pavé la voie à une intégration plus globale. Au sommet de Miami en 1994, véritable point de départ de l’intégration des Amériques, les objectifs économiques ont été associés, à juste titre, à des initiatives touchant la démocratie, la justice, les droits de la personne, l’éducation et la pauvreté.

Les négociations qui doivent aboutir le 1er janvier 2005 sont maintenant planifiées pour être particulièrement sensibles à la réalité des petites économies caractéristiques d’Amérique latine. Aussi, pour la première fois, des négociations de ce type donneront aux membres de ce qu’on appelle la « société civile » l’occasion de s’exprimer.

Le Québec a d’ailleurs été à l’avant-garde de ce mouvement qui consiste à favoriser un débat au sein de la société civile et avec les représentants élus des Amériques sur l’incidence de l’intégration sur la diversité. En 1997, en effet, notre Assemblée nationale, qui siège dans la ville de Québec, a accueilli 900 personnes représentant 28 pays d’Amérique venues discuter et fonder un organe permanent, la Conférence parlementaire des Amériques.

En décembre prochain, plus d’un millier de législateurs et de hauts fonctionnaires des États-Unis vont se réunir dans la ville de Québec pour l’Assemblée générale annuelle du Council of State Governments. Le thème de la rencontre est précisément l’intégration des Amériques. Ce sera la première réunion du Conseil à l’extérieur des États-Unis. L’une des raisons de cette première est sans doute que le Québec est fier d’être le premier membre non américain de cet organisme. C’est aussi parce que les membres du Conseil sont au fait de l’engagement du Québec envers les Amériques.

  Si les années 1990 ont été pour nous l’occasion de redécouvrir l’Amérique du Nord, la prochaine sera, comme nous l’avons annoncé au cours de la campagne électorale de novembre dernier, celle des Amériques. Notre but est de faire du Québec un partenaire dynamique et efficace de l’intégration des Amériques.

Le Québec est présent depuis des années à New York et au Mexique par l’intermédiaire de délégations générales et de bureaux. Nous ouvrirons bientôt une représentation à Buenos Aires. Nous avons aussi ce que nous appelons des antennes commerciales à Atlanta, Boston, Chicago, Los Angeles, San José au Costa Rica, Lima, Bogota, Caracas et Santiago. À l’occasion du dernier budget, nous avons annoncé le renforcement de notre réseau dans les Amériques, y compris aux États-Unis, où nous affecterons des ressources supplémentaires à New York, Boston et Chicago.

  Sur le plan économique, nos entreprises impriment déjà leur marque en Amérique latine. En effet, des compagnies québécoises construisent des maisons en République dominicaine, établissent une infrastructure de télécommunication en Uruguay et au Brésil, traitent le bois et le métal au Chili, possèdent des imprimeries au Pérou, en Colombie et ailleurs, et deviennent des acteurs du monde financier en Argentine et au Mexique.

La filiale internationale d’Hydro-Québec a reçu un nouveau mandat, il y a deux ans. Elle construit déjà une ligne de transport d’énergie au Pérou, des centrales électriques au Costa Rica et au Panama, en plus d’investir dans le gaz naturel au Mexique et de soumissionner sur de grands projets partout en Amérique latine.

  Au total, 300 entreprises québécoises, parmi nos plus grandes, sont actives en Amérique latine. Nous comptons tripler ce nombre au cours des dix prochaines années et amener dans leur sillage des petites et moyennes entreprises.

Le mois prochain, je dirigerai une importante mission commerciale au Mexique, accompagné d’une centaine de personnes, de gens d’affaires et de recteurs d’université. Ce sera la première de nombreuses missions à venir au cours des prochaines années.

Nous misons sur un atout culturel : nos compétences linguistiques. Déjà, nous comptons au Québec nettement plus de personnes qui parlent l’espagnol qu’ailleurs au Canada. L’un de nos objectifs est d’augmenter de 50 % le nombre de Québécois trilingues au cours de la décennie à venir. Ces derniers représenteront alors 12 % de la population active. Au cours des prochaines années, une troisième langue — l’espagnol dans la plupart des cas — sera enseignée dans nos écoles secondaires, et son apprentissage encouragé dans la population.

  Nous souhaitons générer un flot régulier d’échanges entre le Nord et le Sud, particulièrement parmi les jeunes, les étudiants et les travailleurs en formation. La création de liens interpersonnels parmi la jeunesse des Amériques est bien le meilleur investissement à faire dans une intégration qui sera à la fois respectueuse des cultures et rentable économiquement.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, nous, Québécoises et Québécois, envisageons avec confiance le prochain millénaire. Nous l’abordons avec un budget équilibré, une métropole qui prend le virage technologique avec une détermination sans pareille et une capitale qui se veut un carrefour de la démocratie. En inventant une façon de concrétiser l’intégration économique sans sacrifier notre identité, nous établissons des relations durables avec des amis comme vous, de New York et de tous les États-Unis, du Mexique et de toute l’Amérique latine. Nous sommes plus que jamais prêts à relever les défis à venir.

Merci.