Note pour l'allocution du premier ministre,
M. Robert Bourassa,
devant les membres de l'Economic Club de New York,
Waldorf-Astoria, mercredi le 24 janvier 1973


Québec, aujourd'hui et demain

C'est pour moi un grand plaisir de me trouver avec vous ce soir et de pouvoir vous faire part de certaines de mes idées sur le présent et l'avenir du Québec, des projets de mon gouvernement, ainsi que des espoirs et des aspirations du peuple du Québec.

L'année 1972 a été caractérisée par un renouveau dans la confiance à l'égard du Québec et de son avenir. Les travailleurs et les hommes d'affaires, l'ensemble du Canada et les pays étrangers font preuve d'un optimisme nouveau à la suite de l'amélioration de notre climat social, devant la réorganisation de nos finances publiques, du fait, enfin, des initiatives prises par le gouvernement pour assurer un progrès économique rapide.

Le Québec a notamment bénéficié en 1972 du rétablissement économique qui a commencé en Amérique du Nord au cours du dernier trimestre de 1970.

Le produit national brut a enregistré l'augmentation de 9,6 %, soit la plus élevée des cinq dernières années. Le taux de croissance réel fut de 5,4 %. Le revenu personnel s'est accru de 9,7 %. Les ventes au détail ont augmenté de 11,2 % pour les neuf premiers mois de 1972 par rapport à la même période de 1971. Après un accroissement de 11,2 % en 1971, les investissements privés et publics ont connu une nouvelle progression, soit 13,9 %, en 1972.

Enfin, dans le secteur manufacturier, il y a eu une augmentation de 23,6 % dans les dépenses d'investissement.

Notre grande priorité de 1973 continue d'être, avant toute autre considération, le développement économique. Nous avons toutes les raisons de considérer l'année 1973 avec optimisme. Le PNB québécois devrait s'accroître de 9 % et nous pensons que cette augmentation devrait être accompagnée par une amélioration de l'emploi.

En revanche, nous devons orienter nos efforts de façon à guider cette croissance vers les secteurs dont la technologie est de pointe et vers les types d'industrie qui doivent être renforcés.

Nous devons poursuivre cet objectif à long terme tout en continuant, à brève échéance, à créer de l'emploi pour notre main-d'œuvre, dont près de la moitié est âgée de près de 24 ans.

Pour réaliser cet objectif et afin de coordonner les différents rôles des agences gouvernementales qui œuvrent dans le secteur économique, nous avons créé un comité interministériel des affaires économiques qui est présidé par notre ministre de l'Industrie et du Commerce. Ce comité a pour responsabilité la surveillance directe de nos principaux projets de nature économique. Nous avons également réussi, à mon avis, à améliorer l'activité des organismes publics qui œuvrent en vue de promouvoir le développement industriel au Québec grâce à la création de la Société de développement industriel qui sera désormais l'instrument principal du gouvernement, afin que soit stimulé l'essor industriel. Cependant, le gouvernement ne peut pas mettre en valeur le Québec à lui tout seul, de même que le gouvernement ne peut avoir à lui tout seul les solutions aux problèmes que pose notre progrès social.

Les gouvernements se sont déjà lancés dans plusieurs domaines dont on ne soupçonnait même pas l'ampleur il y a quelques années. La collectivité exige en effet que les autorités deviennent de plus en plus présentes dans certains secteurs bien spécifiques : recherche scientifique, technologie spatiale, contrôle de la pollution, expériences biomédicales et tant d'autres domaines dont l'incidence se fait sentir sur notre existence quotidienne. En même temps, les citoyens s'attendent que leur gouvernement soit de plus en plus actif en ce qui concerne le logement, l'éducation, le bien-être, la santé et le développement industriel.

Les gouvernements exigent de la part de la population une certaine coopération, et souvent de la participation lorsque personnes et organismes sont concernés par ces programmes. De même, le monde des affaires reconnaît qu'il a une responsabilité quant à la solution de ces problèmes. Le fait d'assumer cette responsabilité n'est pas seulement à l'avantage du public en général; cette prise de responsabilité correspond également aux intérêts du monde des affaires. L'État ne peut pas tout faire à lui tout seul; c'est pourquoi il est normal qu'il fonctionne avec l'aide et la coopération du secteur privé. En revanche, il appartient à l'État d'être un véritable instrument moderne d'administration publique.

Les instances administratives québécoises ont connu une croissance absolument phénoménale au cours de la dernière décennie. Ce fut une période pendant laquelle une certaine hâte et l'urgence caractérisant certaines situations rivalisèrent à l'occasion avec le souci de l'efficacité administrative. Lorsque nous avons pris le pouvoir en 1970, il était grand temps que quelqu'un retrousse ses manches et modernise rapidement l'administration gouvernementale.

L'administration publique doit donner aux citoyens les meilleurs dividendes possibles de tous les points de vue. C'est pourquoi les paramètres suivants sont à la base de notre action.

Tout d'abord, il est essentiel que le fonctionnement de l'administration soit harmonisé et, pour ce faire, il importe que tous les mécanismes en soient parfaitement connus. C'est un fait que vous connaissez certainement que, lorsqu'un fonctionnaire ignore pourquoi il doit exiger qu'une formule soit remplie en deux ou trois exemplaires, ce même fonctionnaire voudra à son tour réclamer quatre ou cinq copies supplémentaires afin d'être sûr de ne pas se tromper. Et c'est ainsi qu'une administration publique s'enraie.

D'autre part, il est nécessaire que moins d'importance soit accordée à la sécurité d'emploi en ce qui concerne les fonctionnaires des niveaux intermédiaires et supérieurs. Cette conception doit être remplacée par une rémunération appropriée qui correspondra à des critères extrêmement rigides de sélection afin que les postes de ces deux niveaux soient remplis par des gens compétents.

Les fonctionnaires doivent acquérir, quel que soit leur niveau, une certaine polyvalence. Les fonctionnaires supérieurs, qu'il s'agisse des directeurs généraux ou des sous-ministres, ne doivent pas faire le même travail pendant de nombreuses années. En fait, il semble plus désirable de leur permettre, dans la mesure où ce sont de véritables administrateurs, d'exercer leur compétence et de relancer leur imagination créatrice en les nommant à des postes différents tous les trois ou cinq ans, par exemple.

Le nouveau système de contrôles établis en fonction d'objectifs définis, que nous avons adoptés, donne également aux ministères et aux agences gouvernementales une plus grande autonomie dans la direction de leurs propres affaires, ceci grâce à des délégations d'autorité en vue de la programmation et de la réalisation de projets dont les budgets ont été approuvés.

Les ministères et les organismes gouvernementaux reçoivent, au moment d'établir leurs systèmes de gestion financière, toute l'autorité nécessaire pour assumer leurs différentes responsabilités.

Ce que nous affirmons, c'est que même dans l'administration publique, nous avons la responsabilité de justifier auprès de la population, par son gouvernement, la relation coût/bénéfice existant entre les ressources utilisées et les bénéfices obtenus. C'est cette relation qui, au cours d'une période spécifique, servira de base à nos décisions.

Ceci ne veut pas dire que nous ne ferons pas entrer en ligne de compte les facteurs politiques, culturels et autres impondérables dans notre processus de décision; ceci signifie que l'incidence totale des considérations d'ordre économique sera envisagée au moment de l'élaboration des programmes gouvernementaux.

Pendant que je suis en train d'évoquer les facteurs politiques et culturels dans le cadre de notre administration publique, j'aimerais traiter brièvement de la question du rôle du Québec dans la fédération canadienne.

Comme vous le savez, le gouvernement actuel du Québec s'est prononcé à de nombreuses reprises en faveur du fédéralisme en tant que système de gouvernement pour le Canada. Si nous différons souvent d'opinion avec Ottawa quant à ce qui constitue un partage efficace des pouvoirs, c'est parce qu'une répartition nouvelle des responsabilités et des compétences législatives entre les deux niveaux de gouvernement nous apparaît plus que jamais nécessaire afin d'éviter le gaspillage de nos efforts.

Nous nous sommes prononcés souvent en faveur du lien fédéral parce que nous estimons que le fédéralisme est le système qui permet le mieux aux Québécois de remplir leur rôle au sein de la communauté mondiale. Le Québec, à cause de sa langue et de sa culture, a des priorités qui peuvent être parfois différentes de celles du reste du Canada. Il s'ensuit que la position du Québec au cours des négociations constitutionnelles peut être différente lorsqu'on examine les propositions formulées par les autres provinces canadiennes et par les autorités fédérales. Ceci ne signifie pas que les Québécois désirent s'isoler de leurs concitoyens; cela veut dire plutôt qu'ils veulent renforcer le système fédéral par une réorganisation progressive des institutions politiques.

S'il est exact que l'immensité géographique, la diversité culturelle et la proximité d'une très grande puissance politique ont contribué à l'établissement au Canada d'un système fédéral de gouvernement il y a plus de cent ans, le mode d'organisation et le développement de notre pays ont suscité par contre des problèmes au cours des années, problèmes qui ne pouvaient même pas être prévus il y a un siècle. Certains défauts, qui ont fait depuis cette époque leur apparition, doivent être maintenant corrigés.

Le résultat des dernières élections fédérales peut être certainement interprété comme étant un signe du renouveau du régionalisme au Canada. De ce point de vue, la population perçoit le gouvernement central comme étant assez loin des réalités de l'existence quotidienne, occupé qu'il est par les vastes problèmes qui sont les siens sur le plan national et à l'échelle internationale. C'est pourquoi le fédéralisme canadien doit répondre le plus vite possible aux aspirations des Canadiens de toutes les régions du pays.

C'est de cette façon que toutes les régions du Canada trouveront dans le système fédéral une forme de gouvernement qui correspondra à leurs intérêts et à leurs espoirs.

Toutefois, nous ne devons pas seulement considérer le Canada, nous devons également envisager la situation de l'ensemble de la communauté nord-américaine.

Pendant de nombreuses années, et en particulier depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les Canadiens ont fréquemment fait allusion à leurs « relations spéciales » avec les États-Unis. Il est presque certain que les liens étroits qui unissent nos deux pays souverains sont uniques au monde.

Cependant, au cours des dix-huit derniers mois, les relations spéciales entre le Canada et les États-Unis semblent en voie de modification.

D'une part, les nationalistes canadiens sont préoccupés par la domination économique exercée par les États-Unis au Canada. D'autre part, il existe une tendance incontestable vers une expansion rapide, à l'échelle mondiale, des grandes entreprises américaines multinationales.

J'estime que le Marché commun européen peut nous servir de modèle dans la formulation des réponses à ces questions en nous permettant de nous rendre compte que lorsque l'essor n'est pas général, en fait il n'y a pas d'essor véritable.

Le Canada, parce qu'il est un pays d'importance relative en termes de population et de marchés, se doit d'avoir sur le plan international une pensée et des perspectives économiques d'une portée particulièrement vaste.

Pour réaliser ses objectifs économiques, le Québec devra ainsi dépasser ses limites provinciales et envisager des orientations économiques nouvelles au sein de la communauté nord-américaine.

Je n'ai pas besoin de vous souligner que cette démarche n'a rien d'unique. Je citerai l'un de vos compatriotes, Peter Drucker, qui déclarait: « Le monde entier n'a maintenant qu'une seule économie, que ce soit dans ses espérances, dans ses réponses et dans son comportement. »

Le Professeur Drucker souligne également que l'économie globale d'aujourd'hui a été réalisée par le monde des affaires plutôt que par les gouvernements; l'activité économique dépasse les frontières nationales.

Je suis revenu récemment d'une conférence en Grande-Bretagne, conférence au cours de laquelle l'expansion de la Communauté économique européenne et l'incidence sur les marchés internationaux de la deuxième plus grande puissance économique du monde suscitèrent un intérêt considérable.

Au cours de ces réunions, et lors des rencontres que j'ai eues depuis deux ans, en Belgique, en Allemagne, en France et en Italie, j'ai été à maintes reprises impressionné par les nombreux parallèles et les fortes ressemblances existant entre la Communauté économique européenne et la communauté économique qui fonctionne de fait en Amérique du Nord.

Bien que les souverainetés politiques doivent être maintenues, l'existence d'une communauté économique transnationale qui dépasse les limites nationales et provinciales est néanmoins une réalité dont nous devons tirer parti au maximum.

Si nous examinons l'avenir, le meilleur exemple de ce type de croissance est peut-être le potentiel existant dans le domaine de l'énergie.

Nous envisageons la construction dans un proche avenir d'un port en eau profonde à l'année longue sur le Saint-Laurent. Ces énormes installations portuaires pourraient recevoir des pétroliers de 300 000 tonnes qui amèneraient du pétrole brut des puits du Moyen-Orient ainsi que l'Amérique du Sud. Le pétrole brut serait alors dirigé vers Montréal, vers ce qui est déjà le plus grand ensemble de raffinage de pétrole du Canada, afin d'être transformé à la cadence initiale d'un demi million de barils par jour. Le produit fini serait ensuite mis à la disposition des consommateurs au Canada et aux États-Unis à des coûts fort intéressants.

Il est évident que les milieux d'affaires constituent la force la plus dynamique en cette ère de relations économiques internationales. Aucun gouvernement ne peut par lui-même en faire autant. En revanche, ce que le gouvernement peut faire, c'est d'adopter des politiques qui contribuent à la création d'un climat dans lequel l'activité économique puisse connaître prospérité et croissance.

Nous avons adapté nos efforts en vue du développement économique du Québec à ce que nous percevons comme étant les besoins actuels et futurs de la communauté économique nord-américaine. Nous pouvons utiliser les dépenses publiques comme un levier, en appliquant des politiques qui suscitent des investissements dans les types d'activité économique que nous désirons attirer.

Tout ceci peut être fait sans sacrifier pour cela nos souverainetés respectives. Le monde des affaires est capable de faire preuve de civisme. Nous sommes en mesure de notre côté de l'associer au progrès de notre collectivité.

Vous savez naturellement que le Québec s'est placé à la fine pointe de la technologie et de la mise en valeur des ressources hydroélectriques, c'est pourquoi je n'élaborerai pas sur cet aspect. Ce qui est de nature à vous intéresser davantage sera certainement le fait que le Québec disposera d'une abondance d'énergie électrique à bas prix au cours de la prochaine décennie. Nous nous attendons que cet avantage aura un effet considérable sur notre capacité d'attirer l'industrie secondaire. Au moment où nous nous lançons dans la réalisation du projet de la Baie James, qui sera le plus grand complexe hydroélectrique du monde, tout d'abord pour satisfaire les besoins futurs en énergie de l'industrie québécoise, il ne fait pas de doute que cette réalisation colossale aura d'importants effets connexes sur notre économie. La mise en valeur de cette région nous permettra de conserver notre leadership dans l'exploitation de nos ressources, tout en augmentant la capacité de notre activité industrielle.

Il existe également un corollaire à cet essor dans la mesure où il nous permet d'envisager la possibilité d'alimenter les raffineries de pétroles du Québec avec du gaz en provenance de la partie est de l'Arctique canadien.

À l'heure actuelle, des réserves de 15 trillions de pieds cubes ont été trouvés dans la partie la plus septentrionale de notre pays, et il semble probable que nous puissions découvrir des réserves allant jusqu'à 25 trillions de pieds cubes ou plus. Il semble ainsi que la construction d'un gazoduc sera entreprise au cours des trois prochaines années.

Le Québec se trouvera alors dans une position particulièrement avantageuse pour tirer parti de ce projet. En effet, un gazoduc construit le long de la Côte est de la Baie d'Hudson aurait 400 milles de moins qu'un pipeline établi sur la côte ouest; d'autre part, les conditions du sol sont plus favorables au Québec pour l'établissement d'une telle liaison. Enfin, la mise en valeur du projet de la Baie James est également un argument en faveur de cette possibilité.

Le nord du Québec nous offre ainsi l'occasion de procéder aujourd'hui à des réalisations qui tiennent compte de notre avenir.

Si nous envisageons l'avenir, l'un des problèmes les plus importants est certainement la nécessité d'harmoniser et de rendre plus efficace notre système de transports, en particulier dans le domaine de l'aviation où les problèmes ne sont pas tant ceux inhérents à la rapidité de ce mode de transport qu'aux difficultés causées par l'inefficacité, le manque d'installations et la rapidité avec laquelle elles deviennent dépassées.

La construction de l'aéroport Mirabel, à environ 30 milles au nord-ouest de Montréal, est actuellement en bonne voie. Ce nouvel aéroport permettra un trafic considérable, tant pour les passagers que pour les marchandises. Lorsqu'elles seront terminées en 1975, ces énormes installations seront six fois plus grandes que le nouvel aéroport de Dallas-Fort Worth, qui annonce lui-même dans sa publicité qu'il sera aussi grand que l'île de Manhattan. Mirabel sera également un centre international de transport et de réexpédition de marchandises. Il recevra d'une façon efficace les avions les plus gros; il sera équipé du matériel le plus moderne y compris le transport aérien de containers. Lorsque l'on constate que les marchandises sont de plus en plus expédiées par air, il est normal de s'attendre que les installations de Mirabel constituent un centre de réexpédition vers le cœur du continent nord-américain.

En même temps, à cause de la nécessité de rendre plus efficaces les transports sur courte distance, nous sommes en train de mettre au point un appareil qui n'aura besoin que d'une piste de 2000 pieds. Ce système doit être bientôt utilisé à titre d'essai entre Montréal et Ottawa.

Une elle activité constitue certainement une garantie quant à la solidité de l'avenir économique du Québec.

Nous n'avons pas oublié cependant nos obligations à l'égard de nos concitoyens en général, et également en ce qui concerne le bien-être des générations à venir.

L'un des problèmes auquel nous allons devoir faire face à long terme en Amérique du Nord porte sur les aspects positifs et négatifs de la croissance.

Certaines études ont été réalisées récemment sur cette question et, bien que je sois prêt à admettre que le Québec est à l'heure actuelle préoccupé davantage par des problèmes plus urgents comme par exemple la création d'emplois et l'obtention d'une croissance économique à court terme, nous serons amenés à envisager dans un proche avenir la formulation d'un rationalisme de la croissance, en particulier en termes d'accroissement de population et d'exploitation de nos ressources.

Il nous faut de toute évidence diriger et guider notre société d'une façon programmée et rationnelle; nous devons nous demander, par exemple, si notre système économique est capable de poursuivre son ascension ininterrompue, laquelle est requise à l'heure actuelle pour satisfaire d'une façon continue tous nos besoins et tous nos objectifs, lesquels se multiplient constamment.

Cependant, s'il est vrai que la croissance et l'abondance de la richesse matérielle ne sont pas nécessairement synonymes d'une parfaite satisfaction humaine ou sociale, nous devons en revanche nous méfier de ceux qui dénigrent la croissance économique en déclarant qu'elle a peu d'importance ou même qu'elle est de nature à causer des préjudices à la condition humaine.

Les pays qui optent pour la stagnation économique - ou qui se trouvent obligés d'accepter un tel état ne sont certainement pas des régions du monde où l'existence est attirante ou exaltante.

Le débat au sujet de la croissance n'a pas besoin de devenir une diatribe contre la croissance. Il doit plutôt être une exploration des causes et des efforts, une vérification des limites de notre croissance et une étude portant sur la nature des projets de mise en valeur de notre avenir.

Les perspectives que nous entretenons pour cet avenir ne doivent pas nous faire oublier les réalités actuelles quotidiennes. C'est en effet le grand danger que les gouvernements et, en fait, les individus et les entreprises risquent de courir lorsque l'on s'engage dans les aspects les plus abstraits d'une planification à long terme : oublier les problèmes du jour. Il n'est pas possible de réussir celle-ci si l'on oublie ceux-là.

Cependant, il ne faut pas non plus entretenir l'illusion qu'il n'est pas possible d'avoir à la fois une perspective à court terme et une perspective à long terme de nos problèmes. La grande difficulté, et ceci est vrai que la pression vienne des actionnaires ou des électeurs, réside dans la réconciliation des solutions et des objectifs en évaluant le processus au fur et à mesure de son déroulement, tout en gardant un œil sur l'horizon qui se profile.

En conclusion, vous pouvez constater que le Québec d'aujourd'hui a changé de multiples façons par rapport à la société traditionnelle d'hier. Le Québec est devenu une société pluraliste ouverte aux grands courants des opinions qui remuent notre monde moderne. Notre gouvernement ainsi s'est tourné résolument vers l'avenir.

Nous appartenons en effet aux sociétés privilégiées du globe. Nous sommes situés au cœur de ce qui, techniquement, est le continent le plus avancé, un continent dont le dynamisme est extraordinaire.

Nous disposons maintenant d'un très haut niveau de savoir-faire et d'une efficacité technique qui nous permettent de surmonter les défis de l'heure.

Au niveau social, nous participons au développement le plus spectaculaire de notre histoire.

Au niveau de la langue et de la culture, nous sommes au carrefour des grands courants de l'histoire contemporaine. Cette rencontre au Québec de la technique américaine et de la culture française nous donne une occasion que nous n'allons pas manquer, à savoir l'établissement d'une société moderne, originale et dynamique, d'une société qui est prête aujourd'hui pour les défis de demain.